Olivier Philipponnat

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Né en 1967 à Épernay, dans la Marne, Olivier Philipponnat est l’auteur de Roger Stéphane, enquête sur l’aventurier (avec Patrick Lienhardt, Grasset, 2004), une biographie du fondateur de L’Observateur et pionnier de la télévision culturelle saluée par les médias.

La Vie d’Irène Némirovsky (Grasset/Denoël, 2007), première biographie exhaustive de l’auteur de Suite française (Denoël, 2004 ; Knopf, 2006), repose sur la découverte de correspondances, d’archives et de brouillons inexploités, ainsi que sur nombre de textes inédits. Elle a reçu en janvier 2008 le prix de la biographie du Point et devrait paraître aux Etats-Unis chez Knopf à l’automne 2009.

Il a également préfacé deux romans inédits d’Irène Némirovsky, Le Maître des âmes (Denoël, 2005) et Chaleur du sang (Denoël, 2007 ; Fire in the Blood, Knopf, 2007), ainsi qu’une nouvelle édition des Mouches d’automne (Snow in Autumn), augmentée de trois textes inédits (Grasset, « Cahiers rouges », à paraître en 2009).

Hier critique musical à Compact et Cinefonia, aujourd’hui critique littéraire à parutions.com et au Magazine des livres, il est également le coauteur d’un Dictionnaire superflu de la musique classique (Le Castor astral, 2004 ; réédition en novembre 2008).

Conférences

Irène Némirovsky, une Juive russe à Paris
« Némirovsky écrit russe en français », jugeait le poète et académicien Henri de Régnier. Une opinion partagée par nombre de ses confrères, frappés par le cadre judéo-russe des premiers romans publiés sous son nom. Peuplés d’immigrés ou d’apatrides, ces livres n’étonnent pas sous la plume d’une exilée qui n’était pas au premier chef un écrivain d’imagination. Pas plus que ne surprend le tableau cynique du milieu d’affairistes dépeint dans David Golder (1929), cause d’un durable malentendu sur l’antisémitisme supposé de son auteur : Irène Némirovsky s’en défendra toujours, sans avouer que ce roman, comme les autres, était la satire de son propre « cercle de famille ».
Pourtant, Irène Némirovsky a peu écrit en russe, jamais en yiddish. Élevée par une gouvernante française, ayant vécu en France avant la Première guerre mondiale, on ne connaît de sa plume qu’une poignée de poèmes en langue russe, témoins d’une adolescence rêveuse. Étudiante à la Sorbonne, elle doit y perfectionner sa connaissance des lettres russes. Et, dans les brouillons de ses romans, les mots russes, le plus souvent tirés de Tolstoï ou Tourgueniev, viennent combler un manque du lexique français… ou un trou de mémoire. D’où, également, son goût non dissimulé pour la jeune littérature soviétique, mais aussi pour Tchekhov, dont elle a écrit la biographie.
Ainsi, dès l’enfance, le russe est la langue d’un pays fantasmé, qui n’existe plus que dans son regret – d’où le ton mélancolique si particulier à ses « romans russes » : Les Mouches d’automne (1931), L’Affaire Courilof (1933), Le Vin de solitude (1935). Et comment oublier qu’Irène Némirovsky envisageait ni plus ni moins Suite française comme son Guerre et Paix ? De même, de L’Enfant génial (1926) à Les Chiens et les Loups (1940), l’univers judéo-russe, déformé par le souvenir, a des accents merveilleux : y lire un reportage sur le monde juif serait donc une grossière erreur.
Avec Le Pion sur l’échiquier (1934), plus encore La Proie (1938) et Deux (1939), Irène Némirovsky s’est efforcée d’abandonner la veine russe pour rivaliser avec les Mauriac, Chardonne ou Maurois.
Cette conférence se propose d’étudier le « goût judéo-russe » des romans d’Irène Némirovsky, jusque dans les romans de l’énergie individuelle que sont La Proie ou Les Échelles du Levant, dont les héros sont animés de l’ambition et de la ténacité propres, selon elle, aux émigrés et aux parvenus, dont le modèle est la figure paternelle de Léon Némirovsky. Comme tels, les romans de sa fille peuvent être lus comme la mise en scène symbolique de sa propre ambition : devenir un écrivain français, affranchi de toute appartenance, et cependant lié à ses racines judéo-russes. Pari difficile dans la France xénophobe des années de crise…


Genèse et signification de Suite française
Suite française est un cas unique. Les quelques grands romans de l’Occupation (Mon village à l’heure allemande de Jean-Louis Bory, Drôle de jeu de Roger Vailland, Les Forêts de la nuit de Jean-Louis Curtis…) furent achevés après coup, tandis qu’Irène Némirovsky écrit son Guerre et Paix « sur de la lave brûlante », dès novembre 1940 – c’est-à-dire après que le premier statut des Juifs, publié en octobre, a compromis son retour à Paris et celui de son mari. Circonstances dramatiques, mais jamais la romancière n’avait ainsi disposé du temps nécessaire pour un roman-fleuve.
Dès juin 1940, elle a vu quel parti romanesque tirer de l’Exode des Français, dont elle n’a été que le témoin à Issy-l’Évêque (rebaptisé Bussy) : une enquête sociale à ciel ouvert, où se révélerait la nature profonde de personnages issus de toutes les couches de la société. Loin encore de se sentir impliquée dans cette tragédie, elle songe surtout à tirer un parti littéraire de l’événement : « Que ce serait amusant ! » Mais ce n’est qu’en mars 1941, découvrant dans Le Figaro les quelques pages que l’Exode a inspirées à Colette, qu’elle se réjouit vraiment : « Si c’est tout ce qu’elle a pu tirer de Juin, je suis tranquille. »
Elle dispose de plusieurs modèles : La Débâcle de Zola, dont elle aurait aimé reprendre le titre ; mais surtout La Mousson (The Rains Came) de l’américain Louis Bromfield (1937), « tableau de l’Inde éternelle » sous le déluge. D’où les titres provisoires de son chef-d’œuvre : Panique, ou Tempête. Ce sujet, elle l’attendait depuis la révolution de 1917 : c’est la revanche de la bestialité sur l’humanité, déjà abordée dans Les Fumées du vin (1934) ou Naissance d’une révolution (1938) : « Le moment où l’homme ne s’est pas dépouillé encore des habitudes et de la pitié humaine, où il n’est pas encore habité par le démon, mais où déjà celui-ci s’approche de lui et trouble son âme. »
C’est le sens profond de Suite française, dont le titre, qui rappelle Jean-Sébastien Bach, désigne la composition musicale de Bruno von Falk, histoire d’un soldat perdu, piétiné par le « peuple en marche ». « En somme : lutte entre le destin individuel et le destin communautaire. » Ce que Falk appelle « l’esprit de ruche », reflet du dégoût d’Irène Némirovsky pour toute espèce d’appartenance, y compris française, pour laquelle elle n’a plus que « haine et mépris » à partir de mars 1942. C’est bien l’orgueil d’Irène Némirovsky qui retentit à la fin de Dolce, un refus sauvage de « suivre l’essaim », de fondre son propre destin dans celui de la France.
Cette conférence repose notamment sur le journal de travail inédit qu’Irène Némirovsky a tenu à Issy-l’Évêque de juillet 1940 à mars 1942, où l’on découvre jour après jour la genèse et l’avancement de Suite française, ainsi que sur des ébauches inédites de Captivité, troisième volet de son chef-d’œuvre, qui en précisent encore le sens. C’est aussi une présentation de la dernière veine romanesque d’Irène Némirovsky : la saga familiale, à laquelle ressortent également ses deux romans posthumes, Les Biens de ce monde et Les Feux de l’automne, composés en 1940-1941.

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